Monsieur Flouest

Que retiendra la Haute-Marne de cette 43e semaine ? L’hommage rendu par la nation à Samuel Paty sans doute. On a (presque) tous eu des maîtres, des maîtresses (pour moi insuffisamment), des profs. On les connaît bien, les profs, ici ; régulièrement, d’une plume sans doute jalouse et assurément malhabile, je raille leurs vacances et leurs grèves. Ils sont souvent bien châtiés. Les voilà officiellement bienaimés aussi.

Que serions-nous sans nos profs ? J’ai eu la chance d’en connaître de sévères et d’exigeants. Je ne compris que bien plus tard qu’ils étaient bons. Tout simplement bons. Je mesurai mon ingratitude à leur endroit en découvrant fortuitement la courte et cependant immense lettre qu’un certain Albert Camus, récompensé par le Nobel de littérature, adressa à son instituteur : «…sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé ».

Je n’ai jamais rien commis qui vaille d’être rassemblé dans un livre. Mais si – qui sait ? – je parviens à agencer quelques bribes de phrases chaque semaine pour vous ici, c’est parce que j’ai croisé mon Monsieur Germain. Il s’appelait Flouest. Au collège, à Saint-Ex à l’époque, on lui donnait du “Monsieur” sans savoir à quel point il l’était. Si tous m’ont instruit dans la lecture et l’écriture, lui m’en a donné le goût. Journaliste je suis parce que prof il fut. J’ignore s’il est encore de ce monde. Conviant l’enfant que j’étais à lire, ce hussard noir de la République forgeait ma libre pensée ; il y gravait des valeurs qu’on retrouve sur le fronton des mairies.

Ma main à couper : l’itinéraire de Sid Hamed Ghlam, bragard lui aussi, n’a pas croisé le regard sourcilleux d’un Monsieur Flouest.

MONSIEUR Flouest. Est-il permis, est-il décent, un demi-siècle plus tard, de vous dire MERCI ? J’essaie. Pour vous et pour tous les bons profs qui ont façonné nos esprits avec des équations, des dictées, cimentées par une certaine idée de ce que devait savoir un futur citoyen.

JHM du 25 octobre 2020

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