La dette

Que retiendra la Haute-Marne de cette 31e semaine ? Salarié depuis trois décennies d’un journal issu de la Résistance – ce qui m’incite aujourd’hui encore à éviter le vocable “collaborateur”, j’ai donc commis quelques milliers d’articulets, chroniques, compte-rendus variés au sein d’une rédaction dirigée par Jean Bletner. C’est ainsi que je publiais un jour une enquête mémorable de deux pages de petits caractères serrés, sans illustration, sur l’influence de la hauteur des stocks de sables de fonderie usagés sur la jaunitude mordorée de la croûte du fromage de Langres pâturé au nord de la ligne de partage des eaux. Un grand moment de l’histoire de la presse locale.

Un grand moment qui restera heureusement virtuel. Mais j’aurais pu. Parce que mon patron, mon rédac chef, m’a durant tout ce temps, toutes ces lignes, toutes ces chroniques, fait confiance. J’ai joui d’une liberté de plume inouïe. Je m’en suis servi, afin qu’elle ne s’use point. J’espère à bon escient. Et lorsqu’il fallu parfois remonter mes trop flasques bretelles, Jean Bletner, jamais, ne porta atteinte à cette liberté chérie.

Jamais Jean Bletner ne m’a astreint à quoi que ce soit d’autre qu’à rigueur. Notamment pas à Chronique dominicale. Ce sont vos réactions, et elles seules, qui m’astreignent à poursuivre ici nos échanges. Je demeure votre obligé. Mais cette semaine, je suis surtout le sien. J’ai accumulé au fil des ans une dette morale, professionnelle qu’il faudra bien exprimer un jour quelque part. Commençons aujourd’hui et ici devant ce qui comptait tant à ses yeux : vous.

JHM du 5 août 2018

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