Colossal

Que retiendra la Haute-Marne de cette 27e semaine ? Le taux d’incidence qui hésite, titillé qu’il est par le sournois variant Delta ? Tout en restant prudents, faisons fi des soucis viraux. Quelques fugaces instants, accordez-vous un peu de répit, avec notre nouveau jeu de l’été :

On me voit souvent en photo dans le journal, je suis…

Je visite tous les Ehpad et même des écoles, je suis… je suis…

Je suis nanti d’une taille modeste, je suis, je suis… je suis…

PERDU !

Il s’agit de Colosse, le poney ! Cette semaine encore présent sans masque sur deux clichés (JHM du 8 juillet p. 15). Et lui, il fait la bise, (à une pensionnaire de l’Ehpad de Longeau) et personne ne lui dit rien.

Cette photo m’a fait songer au Pr Axel Kahn. Le crabe a refermé ses pinces* (JHM du 7 juillet p. 41). Quelques jours avant sa disparition, ce grand Monsieur s’ouvrait publiquement : se sachant condamné à court terme, il était allé dire adieu à sa jument. La façon dont il évoquait la scène, le baiser qu’il décrivait, l’amour entre ces deux parcelles du même vivant me touchaient au point que je confiais mon émoi à Isabelle Clérin, des Écuries du Puits-des-Mèzes. De souvenir en souvenir (ah, cet exercice compromettant où nous ne maîtrisons rien, quand la dictature de la mémoire nous impose ses choix) je remontais à un de mes premiers reportages. Vous n’étiez pas née, Madame. J’étais au bord d’un manège. Je photographiais des poneys au pas avec des enfants sur le dos. Les enfants étaient autistes.

– Vous avez vu ? Me dit la dame.

– Heu… quoi précisément ?

J’ignorais ce qu’il fallait voir. Je ne repérais rien de particulier ; là, sous mes yeux qu’il fallait dessiller, je demeurais le témoin aveugle, égoïste, d’un événement que la dame me décrypta : ces enfants qui chevauchaient les ancêtres de Colosse, il ne leur arrivait de sourire QUE lorsqu’ils avaient l’opportunité, las trop rare, de toucher un poney. Le seul moment de bonheur, du moins exprimé sur leur visage, c’était un poney qui le leur offrait.

Cela fait des années. Depuis, je fréquente toujours les dames, mais aussi les équidés. Des deux, je me trouve fort aise.

Lorsque Colosse ou un de ses congénères entre dans une école ou un Ehpad, vous n’allez pas forcément voir ce qui va se passer. Mais ÇA va se passer. Je vous jure. Quelque chose d’impalpable, du même ordre de ce que le renard expliquait au Petit Prince. C’est invisible pour les yeux, mais…

Cela touche autant les autistes que les savants. La Haute-Marne en a, encore, des pistes à explorer.

JHM du 11 juillet 2021

* Lisez le très bel “Entre nous” de Thomas Bougueliane page 3 du Mag de ce dimanche.

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