Considérations autour du vide, de la fierté, et autres balivernes

Que retiendra la Haute-Marne de cette 29e semaine ? Que trois de ses enfants sont partis au Pays du soleil levant représenter la France aux Jeux Olympiques. Certes, l’important reste de participer. Mais si l’un(e) d’eux revient avec une breloque, on lui en saura infiniment gré.

Dans un monde parfait, peuplé de bisounours courtois, on se contenterait de la formule éculée : que le meilleur gagne. Sous-entendu : tant pis pour nous ; le podium, c’est pour les autres. Nous, on est déjà bien contents d’y être.

Nenni, les amis !

Allez dire à un Axel Clerget qu’il a sacrifié quatre ans de sa vie pour figurer, pour participer. Vous allez défier les lois communes de la gravité sous l’effet d’un uchi-mata dont la famille a le secret.

Au fil du temps, je croise sur ce territoire de plus en plus d’entreprises, de sportifs, d’étudiants, de créateurs, d’ingénieurs décomplexés. Le pour ici, c’est déjà bien n’a plus droit de cité dans leurs schémas de pensée. Leur terrain de jeu, c’est le monde. Ils font bouger les lignes. Ils sont fiers d’être d’où ils sont, ce qu’ils sont. Grâce à eux, il se passe quelque chose.

Mais d’où sont-ils, justement, ces néo (nés-haut)-marnais ? D’un département qui défie l’entendement : du vide. Un point transparent, désordonné et sans abscisse tangenté par la diagonale du vide. Nous nous sommes longtemps contentés de cette définition, drapés que nous étions dans la toge du modeste qui cherche des excuses plutôt que des moyens. Cette vision de la Haute-Marne demeure-t-elle pertinente ?

Il s’en trouve une autre dont je tente ici l’esquisse : la Haute-Marne est la somme des fiertés de ceux qui vivent quelque part entre le Der (Champagne), Auberive (Bourgogne), Fayl-Billot (Franche-Comté) et Bourmont (Lorraine). Telles persistent nos vivaces racines : LE département aux marches des quatre provinces, EXACTEMENT au centre de l’Europe de l’Ouest. Les logisticiens l’ont bien compris.

À l’instar d’Anaïs, d’Anouchka et Axel, nos ambassadeurs à Tokyo (JHM de samedi 24 juillet p. 19), soyons fiers de nos racines qui structurent notre présent, soyons fiers de ce que nous sommes.

À propos de racines, la scène se passe cette semaine au centre de la grande salle inondée de lumière de l’Ehpad de Bourmont (JHM de vendredi 23 p. 5). Les pensionnaires ont entrepris d’écrire un livre de souvenirs.

En bout de table, immobile, siège une dame guère plus âgée que votre plumitif laborieux astreint à chronique. Elle a pris perpette au présent amnésique ; elle écoute ses voisines évoquer les bals, les flirts, les amours à la rime trompeuse. Soudain, son visage s’illumine. Elle nous interpelle et sa vie avec par un inattendu, par un déconcertant « quand j’étais petite… ». Dans l’instant, Claude Nicolas, le directeur, comprend qu’il se passe quelque chose. Le projet de livre collectif a fait bouger les lignes du côté obscur des synapses rebelles.

Voilà : lorsqu’il se passe quelque chose, à l’autre bout du monde, au Japon, ou à l’autre bout de la table, repérons et savourons ensemble la magie de l’instant : faisant fi du vide, alors s’épanouissent les racines de l’avenir.

JHM du 25 juillet 2021

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